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Huffington Post France – Pourquoi je considère que mes enfants autistes sont des cadeaux – Article de Nadine Primeau
Il y a neuf ans déjà, quand mes deux enfants ont été diagnostiqués autistes, si on m’avait dit que je venais de recevoir non pas un cadeau de la différence avec l’autisme mais deux, jamais je n’aurais été en mesure de croire à ce « cadeau ». Jamais même je n’aurais été en mesure de voir une certaine lueur positive au loin avec cette condition. En fait, comment aurais-je même pu imaginer qu’il y avait du positif dans cette situation quand tout mon univers s’était écroulé et que de prime abord, ce que j’avais entrevu comme étant une triste nouvelle, un changement de direction drastique dans ma vie ou un raz de marée, c’était bien loin de s’apparenter à un présent?
Il faut dire qu’avec tant d’angoisse à recevoir des diagnostics et ensuite à les vivre au quotidien, longtemps j’ai été loin de croire à ce cadeau. Tellement j’ai vécu d’anxiété à tout apprendre à propos de cette condition et à chercher comment la faire évoluer, jamais il n’a été possible, du moins durant les premières années, de percevoir la différence comme un cadeau.
Soyons honnêtes ici avant d’aller plus loin et brisons un peu les tabous. Il est vrai que cette différence, l’autisme, se vit parfois, ou même souvent, à l’opposé d’un présent. Je le sais, car c’est ce que j’ai vécu pendant longtemps. Bon nombre de personnes vivent plutôt cette condition comme une mauvaise surprise. Avoir à gérer l’autisme au quotidien, c’est du travail, toujours plus de patience, une quantité moindre de sommeil, des incompréhensions de toutes sortes, des avis différents, des contradictions, de la peur, des tabous et j’avoue, parfois même l’enfer.
Certaines fois aussi, à vivre la différence et avec tant de difficultés, on a même l’impression d’être projeté dans un monde parallèle. Cette différence qui est souvent rejetée la plupart du temps par le monde « normal » nous fait nous retirer nous-mêmes de ce monde et nous entrons dans un autre univers qui n’est pas réellement défini, une sorte de bulle quoi, mais qui frôle celui de l’isolement, de la solitude et dans certains cas de la dépression. Ici, c’est le cas de bon nombre de mères qui seules, et pour ne plus affronter ce monde – les regards, les questions, les jugements –, se retirent, se barricadent et se coupent de ceux qui ne comprennent pas cette différence. Je le sais, car je parle en connaissance de cause; c’est aussi ce que j’ai vécu, car mon parcours n’a pas été rose.
Mais bref, dans toute mon histoire, il m’a fallu du temps pour voir ce cadeau de la différence. Je dois mentionner ici que j’aurais simplement aimé qu’un jour, dès le départ, quelqu’un me dise qu’il était possible de bien vivre la différence, peu importe tout le négatif autour et dans la situation. J’aurais simplement aimé qu’on me dise qu’il y a de l’espoir de vivre positivement cette différence; avec tous les chemins que j’ai empruntés, j’aurais assurément cherché une route plus rapide pour y arriver.
Mais si aujourd’hui je parle du cadeau de la différence, c’est qu’un jour, au fil des expériences négatives et après avoir passé des mois à me morfondre l’esprit, je m’y suis rendue à ce cadeau positif ou à mieux vivre la différence. Parce que j’ai connu plusieurs bas-fonds et combats sur ma route, je me suis questionnée. Et là, en m’arrêtant et en voyant mon parcours, je me suis rendue compte que bien malgré moi, cette différence qui était entrée en double chez nous, un jour de décembre, m’avait transformée chaque instant en tant que personne depuis cette fois.
Dans les faits, cette différence depuis qu’elle était arrivée, elle me faisait me dépasser en tant que personne, elle me faisait m’affirmer toujours plus. Elle m’amenait toujours dans des zones sensibles ou difficiles pour dépasser mes limites ou mes peurs, elle m’amenait à me questionner pour toujours mieux avancer sur ce chemin. Cette différence me donnait une direction pour donner le meilleur à mes enfants et même pour faire respecter cette différence.
Toujours est-il, qu’à force de constats et de confirmations – je sauve ici beaucoup de détails, d’années et je trace un raccourci –, j’ai finalement réalisé que la différence c’était une bonne chose. Évoluer ou s’améliorer ça ne pouvait qu’être positif et ça ne pouvait être qu’un cadeau. Cette différence n’était peut-être pas le cadeau auquel je me serais attendue dès le départ, mais aujourd’hui, des années plus tard après avoir refait plusieurs fois le tour de cette différence, par exemple en changeant mon regard sur elle et en voyant comment j’avais évolué, je suis en mesure de dire que l’autisme, cette différence, est pour plusieurs raisons un cadeau. Pourquoi?
Parce que la différence m’a appris à voir le positif dans le négatif
À voir le positif dans le négatif, j’ai ainsi littéralement transformé bon nombre de situations limitantes et difficiles dans mon quotidien. Souvent dans le pire, il y a toujours un chemin vers mieux, il ne suffit que de le chercher et de s’y rendre.
La différence m’a appris à apprécier
À apprécier les petites et les grandes victoires ou les petites et les grandes joies, toutes celles que les autres peuvent trouver tout à fait normales, anodines ou ne voient plus, j’ai ainsi mis toujours plus de bonheur dans mon cœur et j’ai mieux été en mesure d’affronter les tempêtes sur ma route.
La différence m’a appris à devenir en mode solutions
À devenir en mode solutions, j’ai créé ou inventé des trucs; j’ai aussi mis en place ma propre façon de vivre la différence et l’autisme au jour le jour, dans le présent.
La différence m’a appris à prendre le temps
À prendre le temps dans un monde ultra stressé qui veut nous faire performer et entrer toujours plus dans les moules, j’en suis venue à lâcher les concepts faits d’avance qui limitent. Ainsi, je suis devenue plus zen et mes enfants en ont bénéficié, ils sont devenus aussi plus calmes et posés.
La différence m’a appris à devenir patiente et assidue
À devenir patiente et assidue, j’ai réussi à certains endroits où plusieurs échouent parce que la patience devient de la persévérance, de la détermination, de la volonté pour toujours plus avancer vers des buts et des objectifs toujours pas faciles à atteindre.
Mais par-dessus tout, même si j’ai évolué, le point qui fait toute la différence, c’est que la différence m’a appris à connaître la différence
Et à connaître la différence, j’ai ainsi été en mesure de mieux vivre la différence, j’ai été en mesure de l’aimer comme un cadeau qui était certes au départ peut-être mal emballé, mais qui est maintenant des plus estimés et appréciés.